Merci d'avoir partagé votre expérience.
Je regrette qu'il n'y ait pas de rubrique Droit / Juridique sur ce forum car cette situation d'abus de droit par certaines mairies et communautés de communes est de plus en plus courante et mérite d'être largement dénoncée.
Le principe est d'exploiter (sciemment ou non) une imprécision dans le rendu de Fuveau afin de qualifier de mur de clôture tout ouvrage dont la réalisation s'est accompagnée d'un remblais de terre. Ces mairies ou communautés de communes vont même jusqu'à faire inscrire des schémas fantaisistes au PLU pour appuyer leur interprétation erronée de la jurisprudence de Fuveau à des situations dont elle ne relève pas. Comme celui-ci par exemple qu'on retrouve largement sur des sites Internet de mairies et/ou de communautés de commune :
Ce schéma n'indique pas le niveau des terrains définis par et au moment de leur construction. Comme si une clôture pouvait supporter le poids d'un remblai...
Il convient de distinguer deux situations :
– celle où le propriétaire souhaite niveler sa propriété avec apport de remblais avant sa construction, donc avant nivellement de son terrain. Situation décrite par les termes « niveler sa propriété » dans le jugement de Fuveau qui évoque la délivrance d’un permis de construire.
– celle où le propriétaire souhaite remblayer un talus en limite de propriété sur un terrain déjà nivelé et construit pour aménager sa propriété jusqu’en limite (Renollet). Ce remblai n’ayant pas pour objet de « niveler sa propriété » mais de « corriger les inconvénients résultant de la configuration naturelle du terrain ».
La C.A.U.E de Bordeaux, organisme investi d’une mission d’intérêt public et dont les membres sont
nommés par l’État, la Préfecture, le Conseil Général et les collectivités, a rappelé les jurisprudences
de Renollet et de Fuveau dans un document relatif aux clôtures :
Lien vers le document de la CAUE :
https://www.cauegironde.com/files/FICHE_PRATIQUE_VOISINS-Les_clotures.pdf
Dans le premier cas (Renollet), le propriétaire du terrain supérieur qui souhaite construire une clôture en limite de propriété doit retenir ses terres à l’aide d’un soutènement, en raison de l’écart de niveau existant entre son terrain et le terrain de son voisin. Il ne modifie pas le niveau de son terrain établit depuis sa construction. L’apport de remblai ne disqualifie pas la nature de soutènement du mur construit « même si le mur a été construit en limite de propriété ». Le propriétaire peut réaliser une clôture constituée d’une partie en soutènement exclue du calcul de sa hauteur. La hauteur de la clôture sera mesurée depuis le niveau du terrain supérieur (le sien).
Dans le second cas (Fuveau), le propriétaire de droite a rehaussé artificiellement le niveau de son terrain avant la construction de sa maison. Le jugement de Fuveau a donc, à juste titre, caractérisé le mur périphérique de mur de clôture, car ce mur n’avait « pas pour objet de corriger les inconvénients résultant de la configuration naturelle du terrain mais avait pour but de permettre au propriétaire de niveler sa propriété après apport de remblais », c’est-à-dire d’en définir le niveau. Le propriétaire a logiquement vu son ouvrage requalifié en mur de clôture et la hauteur de sa clôture calculée depuis le niveau du terrain inférieur (celui de son voisin).
Voici un autre schéma explicatif de ces jurisprudences :
Il est important de rappeler deux éléments de droit :
– La construction de murs de soutènement est exclue de toutes formalités administratives (article R421-3 du Code de l’urbanisme). Et logiquement, car on ne construit pas un soutènement pour le plaisir, mais toujours en raison de l'écart de niveau qui existe entre deux terrains. Attention : un mur de soutènement peut éventuellement être soumis à déclaration préalable en fonction de sa hauteur. Se référer au PLU.
– La jurisprudence de la Cour Administrative d’Appel de Nancy, 1e chambre, du 23 avril 1998, 97NC02034 reconnaît le droit à tout propriétaire de réaliser une clôture au-dessus d’un soutènement bien que sa réalisation se soit accompagnée d’un remblai, du moment qu'il a été réalisé précédemment, dans le cadre d'un aménagement de terrain par exemple (construction d'une terrasse, spa, etc.)
Si vous souhaitez aménager votre terrain jusqu'en limite de propriété, réalisez cet aménagement dans un premier temps, puis déposez ensuite une demande pour la réalisation d'une clôture. Si l'administration vous oppose la jurisprudence de Fuveau, rappelez que l'objet de votre demande ne concerne que la pose d’une clôture au dessus d'un mur préexistant et, si cela est nécessaire, accompagnez votre courrier d'une attestation d'un homme de l'art (attestant de la qualité de soutènement du mur réalisé). Rappelez également que "tout propriétaire peut clore son héritage" (article 647 du code civil) et que cette clôture vis à sécuriser la zone au droit du soutènement.
Si l'autorité administrative émet un avis d'opposition à vos travaux, déposez un recours gracieux et faites connaître votre intention de déposer un recours auprès du tribunal administratif en cas de refus. Si vous devez solliciter le tribunal administratif, faites-vous accompagner par un avocat spécialiste du droit public.
Pour terminer, une seule règle : ne vous laissez pas faire et faites respecter vos droits. Vous êtes chez vous jusqu'au bout de votre terrain !
Bon courage.